LES FONCTIONS DES ZONES HUMIDES : Recharge des nappes – soutien des étiages
Les zones humides peuvent stocker un certain volume d’eau en fonction de leurs caractéristiques (cf. fiche stockage des eaux). A partir de là, si les conditions nécessaires sont présentes, la zone humide peut, soit participer à la recharge des nappes par infiltration des eaux stockées vers la nappe située en profondeur. Si les restitutions d’eau se poursuivent jusqu’à la période d’étiage, la zone humide peut alors participer au maintien d’un débit d’étiage.
A. LA FONCTION DE SOUTIEN DES ETIAGES
a. Qu’est ce que l’étiage ?
Lorsqu’un cours d’eau est en étiage, cela signifie que le débit qui circule est à son niveau le plus bas (c’est le débit d’étiage). Ce phénomène a lieu le plus souvent en été lorsque les pluies sont les moins fréquentes et que le niveau des nappes est le plus bas. Les températures élevées accentuent le phénomène, car elles favorisent l’évaporation des eaux. Le déficit en eau se traduit par un faible débit des cours d’eau.
Dans certaines régions, cet étiage est amplifié par les activités anthropiques telles que l’alimentation en eau potable, la production d’énergie et/ou la production agricole.
b. Intérêt de la fonction
Les conséquences d’un étiage trop important sur l’environnement sont multiples. Il est à l’origine de modifications de la physico-chimie et du débit du cours d’eau qui ont des impacts sur la faune et la flore aquatique et plus généralement sur l’ensemble des usages en lien avec le cours d’eau.
- Physico-chimie de l’eau
D’un point de vue physico-chimique, l’étiage va modifier la composition de l’eau. La diminution des débits est à l’origine d’une limitation des turbulences et donc d’une mauvaise oxygénation de l’eau.
Les températures élevées vont entrainer un réchauffement de l’eau, d’autant plus important que l’épaisseur de la lame d’eau et le débit sont faibles. Plus la température augmente, plus la solubilité de l’oxygène baisse (tableau I).
Température (°C) | 0 | 10 | 20 | 30 |
---|---|---|---|---|
Solubilité de l’O2 (mg/l) | 16.64 | 11.26 | 9.08 | 7.54 |
Cette diminution, couplée à une baisse des échanges gazeux avec l’atmosphère, est à l’origine d’un déficit en O2 néfaste pour la faune aquatique.
La diminution de la quantité d’eau disponible est à l’origine d’un phénomène de concentration des polluants (c'est-à-dire d’une augmentation artificielle de leur concentration) qui peut avoir pour conséquence directe la mort de certaines espèces.
L’eutrophisation est favorisée par ce phénomène de concentration artificielle des « polluants » [7].
- Faune-flore
L’augmentation des températures couplée à une baisse du courant et une augmentation artificielle des concentrations en nitrates et phosphates favorisent le phénomène d’eutrophisation des cours d’eau (L’eutrophisation correspond à un développement accéléré des algues et des végétaux qui entraîne une perturbation indésirable de l’équilibre des organismes présents dans l’eau et une dégradation de la qualité de l’eau (diminution des concentrations en oxygène, mortalité des organismes, développement de toxines,…)).
L’étiage a des conséquences directes sur la faune piscicole. D’une manière générale, les modifications des conditions du milieu (augmentation des T°C, baisse de la concentration en O2,…) ont un impact sur les populations piscicoles de même que l’augmentation des concentrations en polluants. La baisse des débits et des niveaux d’eau est à l’origine de déconnexions de certains bras de rivière, emprisonnant alors les espèces. Des mises à sec de frayère sont également observées pendant cette période.
De plus, les faibles volumes d’eau disponibles peuvent rendre les déplacements de certains poissons migrateurs plus complexes [7].
- Activités
De plus, d’un point de vue pratique, lorsque le débit d’un cours d’eau est trop faible, cela a un impact sur l’ensemble des usagers (pêche, activité nautique, irrigation, production d’eau potable). Les modifications de la physico chimie du cours d’eau (concentration des polluants, développement de cyanobactéries) peuvent également être néfastes pour certains usages (baignade, alimentation en eau potable).
c. Mécanisme de soutien des étiages
L’eau stockée dans les zones humides lors d’épisodes pluvieux importants et de crues peut être restituée au milieu naturel de façon plus ou moins lente et retardée. Si cette restitution dure jusqu’en période d’étiage, l’eau relarguée contribue au maintien du débit d’étiage de ce cours d’eau [3]. Le retard entre le moment où l’eau entre dans la zone humide et le moment où elle en sort contribue à équilibrer le bilan hydrologique annuel du cours d’eau qui bénéficie de la fonction de soutien des étiages de la zone humide [5].
Il existe deux natures de sortie de l’eau contenue dans une zone humide. Celle-ci peut se faire par infiltration souterraine et donc peu rapide ou par ruissèlement de surface de manière plus rapide.
La zone où s’effectuent les échanges entre le cours d’eau et la nappe est appelée zone hyporhéique.
d. Zone humide capable de réaliser cette fonction
L’aptitude d’une zone humide pour le soutien d’étiage dépend de sa situation géographique dans le bassin versant [5]. L’efficacité d’une zone humide à soutenir le débit d’étiage d’un cours d’eau augmente lorsque :
- La taille et le nombre de zones humides sont importants, permettant ainsi de stocker de gros volumes d’eau.
- L’effet éponge de la zone humide est important. Celui-ci est lié à la composition du sol.
Type SDAGE | Sous type de ZH | stockage | Soutien étiages | |
---|---|---|---|---|
1 | Grands estuaires | |||
2 | Baies et estuaires moyens et plats | Baies et estuaires moyens et plats | ||
Vasières | ||||
3 | Marais et lagunes côtiers | Marais et lagunes côtiers | ||
4 | Marais saumâtres aménagés | Marais saumâtres aménagés | ||
5 | Bordures et cours d’eau | Ripisylves | ||
Vasières | ||||
6 | Plaines alluviales | Prairies alluviales | ||
Forêts alluviales | ||||
Bras morts et secondaires | ||||
Marais alluviaux | ||||
Grèves et bancs d’alluvions | ||||
Berges végétalisées | ||||
Berges nues | ||||
7 | Zones humides de bas fonds en tête de bassin | Marais | ||
Prairies humides | ||||
Tourbières | ||||
Milieux fontinaux | ||||
Petites zones humides de fond de vallée | ||||
8 | Régions d’étangs | Etangs (>1000m²) | ||
9 | Bordures de plans d’eau | Bordures de plans d’eau | ||
10 | Marais et landes humides de plaines et plateaux | Marais | ||
Prairies humides | ||||
11 | Zones humides ponctuelles | Mares et étangs isolés | ||
12 | Marais aménagés dans un but agricole | Marais cultivés, rizières | ||
13 | Zones humides artificielles | Carrières réaménagées | ||
Bassins de décantation et autres |
Fonction de contrôle des crues importante | Fonction de contrôle des crues moyenne | le contrôle des crues |
e. Limite de la fonction
L’effet de la fonction de soutien du débit d’étiage d’un cours d’eau par une zone humide est très limité et difficilement évaluable.
A titre d’exemple, une nappe de 1 km² baissant de 1m en 4 mois ne soutiendrait le débit de la rivière que de l’ordre de 10-2 m3.s-1[5]. Un effet notable n’est observé que pour des surfaces de zone humide importantes [5].
La fonction de soutien des débits d’étiage n’est donc pas un enjeu à prendre en compte à l’échelle d’une seule zone humide. Pour que l’enjeu soit significatif il faut considérer et prendre en compte l’ensemble des zones humides du bassin versant [3].
f. Exemples illustrant l’importance des zones humides dans le soutien des étiages [3]:
La moyenne vallée de l’Oise est caractérisée par une zone humide alluviale de 5.000 ha environ qui s’étend de la Fère à Noyon. Cette zone humide présente un aquifère alluvial important qui joue un rôle dans le soutien des étiages de l’Oise, de l’ordre de 12 à 23 millions de m3. On peut estimer la valeur de remplacement de cette fonction par la construction d’un ouvrage de remplacement. Le coût moyen des ouvrages de soutien d’étiages est de 1,5 €/m3 environ. Donc pour une telle quantité, il faudrait construire un ouvrage de 18,3 à 35 millions d’euros.
B. LA FONCTION DE RECHARGE DES NAPPES
a. Mécanisme
L’infiltration de l’eau stockée dans la zone humide (précipitations, crues) dans le sol alimente les nappes sous jacentes.
b. Type de zones humides
Théoriquement, toutes les zones humides situées à un niveau plus élevé que la nappe, peuvent participer à sa recharge.
Cette fonction est cependant plus ou moins importante en fonction des caractéristiques de la zone humide.
Le substrat joue un rôle clé dans cette fonction. Ainsi, plus la perméabilité (capacité d’un milieu à laisser passer l’eau) du sol de la zone humide est important plus l’eau pourra s’infiltrer dans le sol et rejoindre la nappe. Les sols contenant de fortes concentrations en argile ont des perméabilités très faibles. L’eau est maintenue plus fortement dans la zone humide. A contrario des sols plus sableux ont une perméabilité plus importante et les infiltrations d’eau seront facilitées.
La perméabilité est liée à la structure et à la texture du sol. La structure d’un sol désigne le mode d’assemblage, l’arrangement des particules minérales du sol (figure 3). La texture d’un sol correspond à sa granulométrie c'est-à-dire à la répartition des particules en fonction de leur taille (figure 4). Il est possible de déterminer le type de sol grâce à un triangle des textures (figure 5)
La perméabilité d’un sol (K) peut se calculer grâce à l’expérience de Darcy. Il s’agit dans un contenant de volume connu (surface S et hauteur ∆h), de faire passer un volume d’eau connu (V) à travers une hauteur de sol (L) connue.
D’après la loi de Darcy : \[Q=K\cdot S \cdot \frac{\Delta h}{L}\] avec
Q = m3.s-1 K = m.s-1 S = m² Δh = m L = m |
Afin de connaître le débit (Q) d’eau qui passe au travers, il suffit de mesurer quel volume d’eau est récupéré pendant un intervalle de temps donné t.
\[Q=\frac{V}{t}\cdot (m^{3}\cdot s^{-1})\]
De là on en déduit \[K=\frac{Q}{S\cdot \frac{\Delta h}{L}}\cdot (m\cdot s^{-1})\]
Le coefficient de perméabilité K est une vitesse d’infiltration qui traduit la capacité de la roche à transmettre un fluide. Plus K est faible plus la perméabilité de la roche est faible (tableau III).
La surface de la zone humide est également à prendre en compte. Celle-ci intervient dans la capacité de stockage de l’eau et donc logiquement dans la fonction de recharge des nappes. En effet, plus les quantités d’eau stockées sont importantes plus le volume qui pourra théoriquement s’infiltrer et rejoindre la nappe sera important. Ce paramètre est à nuancer car gros volume de stockage ne signifie pas forcément grande capacité de recharge des nappes. Si le sol présente une perméabilité faible malgré un volume de stockage important, la fonction de recharge de la nappe peut ne pas être significative.
c. Exemples illustrant l’importance des zones humides dans la recharge des nappes [3]:
Les échanges nappes/rivières/marais sont des phénomènes complexes : une étude canadienne a montré sur un marais alimenté par les eaux souterraines et les précipitations que la contribution de cette zone humide au débit du cours d’eau était faible (Rouet, 1990 et Hill, 1990) alors qu’une étude menée en Ontario a montré que la zone humide fonctionnait comme un système de recharge et de fourniture d’eau pour les systèmes adjacents.
Les tourbières ont longtemps été considérées comme sans relation hydraulique avec les eaux souterraines, leurs couches profondes devenant presque imperméables. Cependant dans de vastes étendues de tourbières en Amérique du Nord (nappe en dôme sous les tourbières bombées), elles peuvent au contraire être des zones de recharge permanente pour les autres zones humides périphériques et la nappe à l’échelle régionale (Fustec et Frochot, 1994).
Type SDAGE | Sous type de ZH | stockage | Régulation crues | |
---|---|---|---|---|
1 | Grands estuaires | |||
2 | Baies et estuaires moyens et plats | Baies et estuaires moyens et plats | ||
Vasières | ||||
3 | Marais et lagunes côtiers | Marais et lagunes côtiers | ||
4 | Marais saumâtres aménagés | Marais saumâtres aménagés | ||
5 | Bordures et cours d’eau | Ripisylves | ||
Vasières | ||||
6 | Plaines alluviales | Prairies alluviales | ||
Forêts alluviales | ||||
Bras morts et secondaires | ||||
Marais alluviaux | ||||
Grèves et bancs d’alluvions | ||||
Berges végétalisées | ||||
Berges nues | ||||
7 | Zones humides de bas fonds en tête de bassin | Marais | ||
Prairies humides | ||||
Tourbières | ||||
Milieux fontinaux | ||||
Petites zones humides de fond de vallée | ||||
8 | Régions d’étangs | Etangs (>1000m²) | ||
9 | Bordures de plans d’eau | Bordures de plans d’eau | ||
10 | Marais et landes humides de plaines et plateaux | Marais | ||
Prairies humides | ||||
11 | Zones humides ponctuelles | Mares et étangs isolés | ||
12 | Marais aménagés dans un but agricole | Marais cultivés, rizières | ||
13 | Zones humides artificielles | Carrières réaménagées | ||
Bassins de décantation et autres |
Fonction de contrôle des crues importante | Fonction de contrôle des crues moyenne | Absence de rôle avéré pour le contrôle des crues | Rôle négatif pour le contrôle des crues |